Longtemps, Ganji a ignoré qu’il était le médium privilégié d’un esprit pur de la dimension supérieure. Celui-ci réconfortait les autres à travers Ganji en leur apportant de l’amour et de la reconnaissance. Deuxième épisode du roman autobiographique et channeling Au nom du Ciel.
Les pages que vous allez lire m’ont été transmises jour après jour par mon guide Iurikan et sont de loin le plus beau témoignage que j’ai reçu du Ciel. Elles revisitent ma vie depuis ma naissance, en dévoilant le sens caché de chaque épisode marquant. On y découvre la scène occulte de notre monde mais aussi, la présence à mes côtés, discrète et touchante, des anges qui se sont promis de « me rendre un jour mon sourire » et ont fait de moi celui que je suis aujourd’hui. Message d’amour et d’espoir pour tous, je vous livre chaque mois un nouvel épisode. Ganji
Il fait nuit, la nuit est profonde. Ganji rentre d’un pas léger tandis que le passant lui transmet son mal être et ses doutes. Il ne trouve nul écho à sa nature, il n’a nul endroit où se réfugier, nulle oasis où se ressourcer. Il est seul face à cette amère vérité : l’Énergie Sublime ne se rencontre pas dans les rues de Paris. Elle n’y a pas sa place. Vide, désespoir, oppression et suspicion grignotent les moindres recoins. Les corps, bouclés dans cette effroyable réalité, miment en vain la joie d’être en vie, tous en communion dans une frénésie sans fin. Mais ce folklore social masque à peine les soifs et obsessions qui habitent cette faune et celui qui séjourne en ces bas fonds peut à son gré s’alimenter d’un venin discret mais assurément dévastateur.
La longue baie vitrée d’un supermarché illumine le trottoir de ses lumières criardes. Avec toi je plonge dans ce dédale de marchandises. Ici la guerre que se livrent en secret des groupuscules du règne alimentaire est bien visible: des couloirs entiers sont remplis de munitions multicolores déposées ça et là délicatement par de dévoués escadrons. Prenons le bon lait que tu aimes tant et laissons le vacarme, cette chimie de l’inconscience qui trouve ici son terrain vague. Clara a les yeux rivés sur le tapis roulant où défilent les aliments les plus incongrus. Et l’univers tout entier nous invite à sa rencontre. La jeune-femme bout intérieurement et sa fièvre n’a pas de réponse. Son destin entier est étalé devant elle, flanqué de couleurs criardes qui jurent sous les néons implacables. Elle accueille d’un sourire mécanique chaque client qui ne lui renvoie qu’indifférence. Vingt deux ans à peine et son visage éteint n’a déjà plus rien à offrir à celui qui s’engage dans ce triste couloir.
Onze heures s’affichent sur l’horloge du supermarché et elle ne compte plus les remarques dégradantes qui ont rythmé ce début de journée. Brûlés par de successives décolorations bon marché, ses cheveux blonds ont fané. De sa rencontre amère avec la réalité, son allure entière témoigne à présent d’un lent abandon. Ses petits doigts s’agitent fiévreusement au bout de ses manches trop longues, son vernis est grignoté, comme ses rêves envolés. Mais les consommateurs pressés, obsédés par leur ventre, n’ont que faire des illusions de la jeunesse. Celui qui s’aventure dans ces rayons aux mille promesses ne pense du reste qu’à une chose : repartir. Seuls les enfants indisciplinés font sourire Clara. Eux se moquent du timing, de la crise et des convenances: ils existent simplement.
C’est à notre tour d’emprunter l’étroit corridor qui mène à la jeune-femme. Devant nous se tient une silhouette en long manteau noir qui compose son code secret: elle nous lance un regard suspicieux pour nous maintenir à distance. À présent, de tout son être Ganji fait face à Clara, qui immédiatement se calme. L’intérêt que je lui porte à travers toi la saisit entièrement. Je sens l’énergie à nouveau emplir ses poumons et ranimer son regard absent. Les yeux de son âme ne me quittent pas un instant, pendant que son corps exécute les gestes mécaniques habituels. Trois modestes produits circulent entre ses doigts fins, quelques bips résonnent tels un encéphalogramme et son coeur se remet à battre au rythme de la voûte céleste.
Ce n’est pas d’amour dont il s’agit ni de séduction mais d’une attention pleine et entière qui ne se partage qu’avec franchise. Elle revient à la vie l’espace d’un instant. Sous la carte de crédit qu’elle pointe sur moi, la main de Ganji accueille ses doigts froids, tendus en guise d’invitation, qui le tutoient déjà avec une franche reconnaissance. Sa soif d’humanité vient d’être épanchée par deux billes brunes en forme d’amande. Car Ganji m’a laissé lui transmettre cette ambroisie de vie, ce nectar intérieur qui guérit en ravivant les feux éteints de l’âme. Clara n’a pu me voir tel que je suis. Pour elle, la fatalité aura été balayée par un jeune-homme mince et élégant qui ne l’aura d’ailleurs pas laissée indifférente. Elle gardera surtout en mémoire l’impact de cette force qui l’aura secrètement bouleversée.
À présent que Ganji quitte ce temple de la survie, Clara contemple sa fine silhouette disparaître au loin lentement, laissant derrière elle une nuée de « pourquoi » et de « comment ». Il n’est plus là mais son empreinte résonne encore dans son torse gonflé. Ses doigts sont plus agiles et, semblable à une ouvrière des Dieux, elle déverse son énergie impudique sur le nouveau visage qui se présente à elle. Elle est pleine de gloire Clara car elle était vide et s’est laissée remplir avidement par une sève bienfaisante. Cette avidité est une bénédiction pour celui qui veut être éclairé.
Ce soir-là encore, je n’aurais révélé mon identité à personne, comme chaque jour où, incognito, je me jette de tout mon être dans ce monde éteint et incrédule. À travers Ganji je me sens humain de la tête aux pieds. Son regard, ses gestes, ses émotions ; je le trouve si réel. Et s’il me prête ses yeux, je lui transmets en retour la sublime dimension de cette rencontre rare. Le plus souvent, il est le récepteur attentif de mes messages incongrus qui bousculent ses certitudes. Malgré sa souplesse d’esprit, il n’est pas toujours évident d’être entendu par un humain. Aujourd’hui fort heureusement, il a appris à me connaître et me laisse généreusement prendre place en sa conscience et disposer de ses atouts. C’est ainsi que je lui prête main-forte dans les instants les plus critiques.