Aujourd’hui spiritualité rime avec l’art de vivre dans le moment présent. Le présent a le pouvoir, dit-on depuis Eckart Tolle, de nous relier à la magie de la vie et de nous ramener à notre essence. Il efface toutes les souffrances.
Mais n’est-ce pas aller un peu vite en besogne ? Car la spiritualité au sens noble et entier du terme va bien au-delà de la simple recherche d’enchantement et d’apaisement. Elle ne base pas toute sa doctrine sur la quête de béatitude et de lâcher prise. Elle est avant tout recherche de Vérité et de transcendance. Je laisse à présent le brillant Fernando Pessoa, dont l’oeuvre existentielle et mystique est l’une des plus riches, nous confier sa réflexion sur le présent…
Poème de Fernando Pessoa
Vis, dis-tu, dans le présent;
ne vit que dans le présent.
Mais moi je ne veux pas le présent, je veux la réalité;
je veux les choses qui existent,
non le temps qui les mesure.
Qu’est-ce que le présent?
C’est une chose relative au passé et à l’avenir.
C’est une chose qui existe en fonction de l’existence d’autres choses.
Moi je veux la seule réalité, les choses sans présent.
Je ne veux pas inclure le temps dans mon schéma.
Je ne veux pas penser les choses en tant que présentes:
je veux les penser en tant que choses.
Je ne veux pas les séparer d’elles-mêmes, en les traitant de présentes.
Je ne devrais même pas les traiter de réelles.
Je ne devrais pas les traiter de rien du tout.
Je devrais les voir, simplement les voir;
les voir jusqu’au point de ne pouvoir penser à elles,
les voir hors du temps, hors de l’espace,
les voir avec la faculté de tout départir, fors le visible.
Telle est la science de voir – qui n’en n’est pas une.