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Survivre aux mauvais esprits – Au nom du Ciel 6

Dans ce 6ème épisode du roman channeling Au nom du Ciel, Ganji raconte comment il a été attaqué une nuit par de mauvais esprits, alors qu’il n’était qu’un enfant, et la façon dont cet événement tragique a impacté sa vie.

Les pages que vous allez lire m’ont été transmises par mon guide Iurikan et sont de loin le plus beau témoignage que j’ai reçu du Ciel. Elles revisitent ma vie depuis ma naissance, en dévoilant le sens caché de chaque épisode marquant. On y découvre la scène occulte de notre monde mais aussi, la présence à mes côtés, discrète et touchante, des anges qui se sont promis de « me rendre un jour mon sourire » et ont fait de moi celui que je suis aujourd’hui. Message d’amour et d’espoir pour tous, je vous livre chaque mois un nouvel épisode. Ganji

Des masses nuageuses assombrirent le ciel, nous protégeant un instant de la chaleur accablante. Si le long hiver transformait la vallée en un écrin silencieux de neige, l’été nous rappelait ô combien ce pays montagnard était méridional. Comme il était bon de rouler dans l’herbe chaude à l’ombre d’une motte de foin, élevée par ceux qui travaillaient le fléau. Enfants choyés, nous nous sentions rois, et quelque soit notre condition nous goûtions à la joie du monde, à cette magie méconnue de la vie qui échappe au regard des grands.

Mais qu’étaient devenues les mains cailleuses gonflées d’amour de mon grand-père ? À présent, je n’entendais plus son pas lourd en fin de journée. Je me languissais. C’était un colosse à mes yeux, de stature robuste et massive, il tenait chacun en respect. Mais à ma vue, son visage criblé de poils drus s’adoucissait d’un large sourire. Où étaient passées la fumée rassurante de la cuisine noire charbon, la croûte crémeuse du lait que l’on nous livrait, la course folle des souris sur le faux plafond ? Où donc étaient les épiceries insolites et leur capharnaüm de produits étranges où mes yeux émerveillés aimaient se perdre ? Et la jument qui me portait en vainqueur du monde ? Et mes oncles et tantes qui formaient ma cour ? En mon exil en France, j’avais perdu toutes ces merveilles. Ou peut-être n’avaient-elles jamais réellement existé. L’essence même de la vie se dérobait à moi, j’avais donc rêvé. Je tombais de mon trône et la chute était rude. À Paris, mes parents avaient déjoué la fatalité de leur condition et m’avaient emporté dans leur tourbillon insensé. Ma mère avait trop souffert de mon absence et, ne pouvant survivre indéfiniment à ce non-sens, m’avait rapatrié à ses côtés.  « Ce n’était pas à ma grand-mère de me voir grandir ! ». Je finis moi aussi par m’en convaincre.

Le fascisme laissa place aux années 80 qui bouleversèrent les mentalités de ce monde ouvrier et rural. Un nouveau dynamisme venu d’ailleurs bousculait chaque été les léthargiques villageois assommés par le soleil. Les estivants épuisés par leur périple depuis la France fêtaient leur arrivée parmi les leurs et retrouvaient avec frénésie leurs terres, les oliviers centenaires de leur enfance, la maison de famille. Ici, nous étions, non sans un léger mépris, les « Franciu » ou… les « ça-va » ! C’est ainsi que l’on nous appelait.

Prince déchu, je restais néanmoins dans les regards un privilégié car nous arborions nos plus beaux habits, profitions de notre séjour pour embellir et repeindre nos maisons, nous nous exhibions avec arrogance. Sans nécessité, nous baladions fièrement nos voitures neuves flanquées d’un F majuscule. Tant de richesses fièrement étalées devaient montrer à tous notre haute noblesse. Désormais, un immense fossé séparait ces deux communautés qui avaient jadis creusé les mêmes sillons. Moi, je n’appartenais à aucun de ces mondes et ne pouvais saisir la folie complexe qui décidait aveuglément du sort de toute cette région. Trente pour cent de la population nationale avait fui le régime de Salazar au péril de sa vie. Un passeur menait chaque groupe à travers des sentiers inconnus en terres franquistes pour enfin gagner la France, nouvelle Jérusalem où les peuples affranchis croisaient mille pavillons.

Mes parents avaient acquis une grande demeure dans les hauteurs de la ville, au plus loin des ruelles accidentées où « l’élite » répugnait à marcher. « De grâce, sauvez-vous de ces pavés qui piègent talons hauts et salissent bas de pantalons fraîchement plissés ». Néanmoins je me demandais pourquoi ils avaient choisi d’acquérir des lieux déjà habités ? Certes, nous bénéficiions désormais d’un nombre incalculable de pièces, mais l’enfant sensible que j’étais ne supportait pas cette cohabitation forcée. Nous nous réservions le rez-de-chaussée, le grenier demeurant clairement leur domaine. Ils étaient bien discrets il est vrai, nous les croisions peu ou jamais. Et quand il m’arrivait de flâner dans leur repère, je sentais bien vite que je n’y avais pas ma place. Le soleil ardent de l’été cognait contre les tuiles, transformant les pièces vides en brasier infernal. Le grenier devenait alors un enfer.

Voilà que le sabbat battait son plein. Immobilisé par une forte fièvre, mes parents m’avaient laissé alité. Ce soir-là, à huit ans à peine, je me retrouvai donc seul, livré à moi-même, dans une chambre sombre, grippé et trempé par de grosses gouttes de sueurs. Nous étions en été, cette mauvaise grippe n’avait pas de sens. Des vagues de frissons me submergeaient par moments, annonçant le pire. J’étais cette proie abandonnée aux mains des ténèbres qui avançaient doucement à ma rencontre. Mes parents et leurs amis avaient à présent déserté la maison. En disciples inconscients, ils m’avaient abandonné à cette peuplade inhumaine qui hantait ces lieux sacrés. En effet, nous cohabitions avec des ombres vivantes qui avaient fini par dérober la raison à mes parents, devenus leurs parfaits complices.

Paralysé par la meute obscure, je tremblais d’une peur primitive qui se mua bien vite en terreur, comprenant que l’heure de mon sacrifice était venue. J’étais à la merci de ces violeurs d’âme et il était temps pour cette communauté d’outre tombe de s’emparer de mon corps transi, triste victime. La lumière du couloir, censée me rassurer, jaillissait au ras du sol par l’interstice de la porte. Ce faisceau flamboyant donnait à ma chambre des allures de loge cérémonielle. Une ombre en mouvement se plaça devant la porte. Je frémis. La silhouette lourde demeurait statique et je pouvais très clairement sentir ses intentions criminelles se fixer sur moi avant l’assaut final. L’air se densifia tandis que ma poitrine était écrasée lentement, pressée par le poids de ces êtres qui se concentraient à présent en moi. J’étais devenu leur tabernacle, l’autel d’une folie dans laquelle on m’avait précipité.

Cette nuit-là ma vie fut engloutie dans les abysses du monde, livrée en pâture à ce cercle obscur. Dès lors, ils grignotèrent mon innocence et me volèrent ma vitalité chaque jour un peu plus. Envolées ma santé et mon énergie juvénile. Cette nuit là j’avais été sacrifié pour la plus grande satisfaction de ces êtres désincarnés. Mon trône à présent trop petit pour contenir tout ce groupe, je servirai désormais de repose pied à plus puissant que moi.

Ganji

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