En 2013, Ganji et Iori font cap vers l‘Île paradisiaque de São Tomé, à la recherche d’une plante chamanique sacrée. Leur voyage se transforme bientôt en un véritable périple chamanique. Récit de leur aventure.
Un voyage chamanique à São Tomé
En 2013 Iori et moi avons largué les amarres avec Paris et même la France, nous avions soif de nouveaux horizons. Avant de partir au Gabon comme prévu, nous avons décidé de faire une halte à São Tome, une ancienne colonie portugaise devenue indépendante en 75. Cet archipel, au large du Gabon, est réputé pour ses magnifiques plages de sable fin et doré. Nous en rêvions ! Mais nous n’avons pas choisi cette destination uniquement pour nous faire plaisir, nous avions en tête d’y faire connaissance avec une plante cousine de l’Iboga, d’un grand intérêt pharmacologique et thérapeutique : la Voacanga. À São Tome on l’appelle : la Cata grande. Il y a la Cata pequena, qui est d’ailleurs plus facile à trouver… mais c’est bien la Cata grande que nous souhaitions rencontrer.
Nous avons donc plongé dès notre arrivée dans le sud de l’île, sauvage et authentique… là où les habitants sont plus proches de la nature et où les peuplades parlent une langue différente du créole local. Partout où nous rencontrions de la sympathie et de la chaleur humaine nous abordions le sujet, mais force était de constater que la Cata grande restait un domaine tabou : les gens disaient « oui on vous en trouvera » ou « non, connais pas », mais le résultat était le même, la plante demeurait insaisissable à notre plus grand regret.
Première leçon chamanique
Vers la quatrième semaine de notre séjour nous quittâmes le grand sud pour revenir à la capitale pour rayonner dans toutes les directions possibles : les quatre coins de l’île nous appelaient. L’île était paradisiaque mais les villages paraissaient délabrés, et, à notre stupéfaction, certains habitants vivaient toujours dans les cases qui avaient appartenu aux esclaves des plantations de café, comme le domaine São Nicolas par exemple. Découragés, nous commencions à oublier notre projet. Et puis une nuit, Iori et moi fîmes le même rêve : nous rencontrions la Cata grande ! Cela nous était complètement sorti de l’esprit, et voilà que l’esprit de la plante venait à nous et nous parlait : « je me trouve à votre porte, juste devant votre hôtel… je vous attends. » Nous sortîmes alors dans la rue, en scrutant les alentours d’un œil nouveau, et nous découvrîmes un magnifique spécimen de Cata grande planté juste devant l’entrée ! Pas de doute c’était bien elle. Cet arbuste possédait de très belles fleurs blanches caractéristiques, il était facile de l’identifier.
Cette « anecdote » remit un coup de fouet à notre motivation : immédiatement nous allâmes acheter une mini-pelle et mîmes le cap vers la montagne (nous savions que la plante se plaisait dans les hauteurs), accompagnés de notre courage et de notre détermination. Il faisait encore nuit quand le taxi nous déposa au pied d’un sentier escarpé, en bas de la montagne la plus haute de l’île, il faisait presque froid. Nous étions sur le point de nous engouffrer sur le chemin tortueux et glissant qui montait à la foret, lorsqu’un « faux » guide se présenta à nous pour nous offrir ses services : le malheureux allait compromettre notre expédition ! Aguerris, depuis près de 2 mois que nous étions sur place, nous sûmes tout de suite qu’il ne connaissait pas plus la montagne que nous et prîmes congés de lui rapidement. La voie était enfin libre et nous commençâmes à monter, toujours plus haut, en essayant de ne pas déraper.
Nous prenions toujours plus de hauteur et plongions toujours plus profond dans la forêt, tout autour de nous devenait vert obscur, quand soudain, des touristes un peu trop bavards nous surprîmes. Nous eûmes tous les deux le réflexe de les éviter en nous cachant dans un fossé. Tout en attendant qu’ils passent, j’observai avec la plus grande attention cet arbuste vigoureux qui nous cachait des regards indiscrets : pas de doute il s’agissait bien de la Cata grande !! :)) Dès que nous fûmes enfin seuls, Iori et moi, notre petite pelle à la main, commençâmes à déterrer précautionneusement l’arbuste, exactement comme nous l’avions vu faire par un tradi-praticien : avec respect et en priant.
Nous tenions enfin dans nos mains les racines précieuses de l’arbuste : des morceaux de bois très épais de couleur orangée dont la partie centrale était robuste et dense. Nous avions finalement rencontré la mystérieuse et inaccessible Cata grande !… Aucune forme de culpabilité n’était présente dans nos esprits car nous sentions bien que c’était la plante elle-même qui nous avait envoyé une invitation, elle s’était présentée a nous. Notre sac a dos protégeait des regards indiscrets ce trésor que nous avions bien l’intention de « cuisiner » dès le lendemain.
Tout d’abord, nous nettoyâmes les racines minutieusement de toute la terre qui les recouvrait. Puis nous grattâmes l’écorce jusqu’à ce que nos paumes de mains n’en puissent plus. Lorsque nous eûmes terminé, nous avions les doigts rouge foncé ! L’écorce contenait un colorant puissant qui avait complètement imprégné notre épiderme, et qui resta incrusté plusieurs jours. Au final, nous parvînmes à remplir une belle assiette avec cette précieuse matière. La Voacanga était prête pour son emploi ultime : l’ingestion ! Nous étions tout émus et exaltés… Iori proposa une décoction. Une bonne heure de cuisson nous permis d’obtenir un demi-litre de boisson de couleur brune, et nous la fîmes réduire encore un peu. Le soir même – nous n’y tenions plus – nous la testâmes.
Le voyage chamanique
Bien différente de la puissante Iboga, nous découvrîmes avec enchantement que la Voacanga possédait un esprit très féminin d’une extrême douceur et d’une grande volupté. Iori et moi partîmes en voyage chamanique ensemble (chose plutôt rare), reliés par l’esprit bienveillant de la plante. Notre âme fut guérie des dommages engendrés par les débuts d’un séjour difficile et tumultueux. Mieux encore, nous reçûmes des enseignement d’une grande pertinence. La Cata grande avait le pouvoir de crever le voile épais de l’illusion : tout apparaissait dans sa plus grande clarté devant nos yeux émerveillés. Le voyage dura à peu près six heures et nous fûmes finalement invités à « sombrer » dans un sommeil profond extrêmement bienfaisant. Dans mes rêves, tout n’était que végétation sauvage, douceur, équilibre et puissance des éléments, je baignais dans un lac d’amour profond.
Iori me raconta au petit matin qu’elle avait rêvé du Portugal… Elle s’y était sentie pleinement accueillie et épanouie. La plante semblait nous inviter à un nouveau voyage, et la perspective de s’installer dans le pays où j’étais né ne me déplaisait pas. Une nouvelle aventure se dessinait devant nous, alors que nous étions depuis des mois à la recherche d’une terre d’asile. Nous voulions quitter la France pour nous établir dans un lieu qui nous ressemblerait plus, un lieu plus préservé et proche de la nature.
Notre séjour à São Tomé touchait presque à sa fin. Plus que deux jours et nous allions embarquer un ferry pour le Gabon : la terre de l’Iboga Pour un peu nous aurions loupé ce rendez-vous sacré ! Quand on y repense aujourd’hui cela nous fait sourire : à deux doigts de quitter l’île bredouille, la Voacanga nous avait fait signe ! Une belle leçon de chamanisme. Nous n’oublierons jamais cette épopée en ces terres exotiques, au beau milieu de l’océan Atlantique, loin de tout, et cette rencontre magique.